Avis sur le livre : Le coeur d'un père

Une semaine, c’est le délai fixé par le tribunal pour que Rembrandt (1606-1669) s’acquitte de ses dettes sous peine de perdre son fils Titus, voué à l’orphelinat. C’est aussi le temps imparti à l’artiste pour réaliser la plus grande toile d’histoire qu’on lui ait jamais commandée : une allégorie patriotique dont le règlement apurerait ses comptes. Une semaine comme un défi pour l’adolescent qui veut préserver son père et crève de ne jamais en être la priorité. Inventant ce challenge tendu comme un thriller, Josselin Guillois, dont on avait découvert la fascination pour l’art dès Louvre (Seuil, 2019), compose un subtil dialogue entre deux attachements farouches qui ne peuvent s’avouer, se libérer des contraintes d’usage qui bâillonnent et entravent les élans du cœur. Le cortège de tristes sires, créanciers sans âme et gueux flamboyants donne à cette fable sur l’amour entre père et fils une patine crayeuse qui contraste avec la profondeur d’un clair-obscur éminemment charnel.

Le Monde - 4 Mars 2022