Avis sur le livre : De la mort sans exagérer: Poèmes 1957-2009

Très populaire dans sa Pologne natale, la poète Wislawa Szymborska (1923-2102) était peu connue en France lorsque le prix Nobel de littérature lui fut décerné en 1996. Sans doute parce qu’elle se voulait, à l’instar de son œuvre, « privée, intime et individuelle » – ce sont les mots de son traducteur, Piotr Kaminski. On pourrait ajouter spirituelle, ironique et, bien que profonde, jamais pesante. Il n’y a que Szymborska pour dire les « petites comédies » auxquelles nous accordons tant de prix (« Si les anges existent/ c’est peu probable qu’ils lisent/ nos romans au sujet/ de nos espoirs déçus »), l’« amour heureux » (« Est-ce bien normal/ est-ce sérieux, est-ce bien utile ? ») ou la beauté parfaite d’un oignon (« foncièrement oignonien/ oignonesque dehors/ oignoniste jusqu’au cœur »), tandis que l’homme, lui, n’est que « nerfs, graisses et veines/ mucus et sécrétions ». Entre le métaphysique et le concret, Szymborska danse sur un fil. Sans s’apitoyer. Parce que « la vie suit son cours/ à Cannes, à Borodino/ à Kosovo Pale et à Guernica ». Parce qu’« Il y a tellement de Tout/ que le Rien est à peine perceptible ». Et parce que « ce qui coule vraiment, c’est le sang qui sèche vite/ et toujours des rivières çà et là, des nuages ». Fl. N.

Le Monde - 14 Juin 2018